Ma prison
J’ai parfois l'âme qui plie sous le poids de la servitude, des habitudes et des turpitudes. J’avais, pour contrer l’austérité de la raison, ouvert l'horizon enchanteur des rêves encensés jusqu’à ce qu’ils se brisent sous le fardeau amer des chimères, me laissant hébétée, épuisée, amputée. Et j’ai placé sur un plateau de jeu les pions de mon intégrité, de mon Je, qui ne respirent qu’en aimant, qui s’aspirent par l’effet pervers de l’aimant, signant un pacte avec Lucifer. J’ai aidé à bâtir les murs de ma propre prison aux ourlets dorés, sans m’accorder le droit de souffler ou d’oser, je n'ai réussi qu'à me tendre la corde. J'ai choisi de replier mes petites mains tout contre moi, là au centre où gît le coeur de la vie pour les tendre alors à l’autre, tendres, car c’est ainsi que se profile ma voie, que défile ma foi, c’est ainsi que j’ai créé ma loi. Je me suis confinée dans le sacrifice et l'artifice, je n'ai su que m'aménager un immense édifice, dense et rance. Aujourd’hui de sourdes douleurs m’arrachent mais se cachent, elles s’affichent ternes et impossibles à voir, mais fermes et résolument difficile à croire. J'ai rêvé de casser le fermoir de mon sautoir, pour espérer qu’il n’est plus de chaînes à mon cou, juste un beau et sobre bijou, dépareillé de tout apparat mais décoré de moi. J'ai moi-même avalé la clé qui recélait le pouvoir d'ouvrir ma cage et depuis des âges, des orages cotonneux ne cessent de s'abattre sur mon chemin, d'avaler goûlument mes lendemains, d'alourdir encore davantage mes barreaux, ne sommes-nous pas notre propre bourreau ? Je souffre, j’étouffe, j’ai la tête sous les eaux, je maintiens mon coeur à la surface, comment saurai-je m’évader de ma prison ?